Gharnata

Gh̲arnāṭa (1)

1. Présentation

Voici, en guise de reprise de mes articles et diffusions dans mon Blog de littérature arabe, le début de l'article de l'Encyclopédie de l'Islam sur Grenade (Gharnata).

Bonne lecture

G̲h̲arnāṭa, Grenade, capitale de l’ancien royaume du même nom, ne commence à figurer de façon indépendante dans l’histoire d’Espagne qu’au début du Ve/XIe siècle, au cours duquel une branche latérale des Ṣanhād̲j̲a Zīrides (qui régnaient à la Ḳalʿa des Banū Ḥammād, puis à Bougie), se voyant écartée du pouvoir, offrit ses services au premier ministre de His̲h̲ām II, ʿAbd al-Malik al-Muẓaffar, fils et successeur d’al-Manṣur Ibn Abī ʿĀmir et, recevant une réponse favorable, s’embarqua avec un groupe assez nombreux de contribules et de clients, à la tête desquels se trouvait Zāwī b. Zīrī et qui ne tardèrent pas à devenir un des éléments les plus importants et les plus turbulents de l’armée berbère recrutée par les ʿĀmirides. A la mort de ʿAbd al-Raḥmān Sanchol, ils embrassèrent la cause du champion du parti berbère en Espagne, Sulaymān al-Mustaʿīn, et contribuèrent efficacement à son accession au califat. En remercîment, Sulaymān, lorsqu’il assigna des fiefs à ses principaux auxiliaires, leur attribua le district d’Elvira — c’est-à-dire le riche territoire de la haute vallée du Genil et les massifs montagneux qui l’entourent — ainsi nommé parce que sa capitale était l’antique cité d’Illiberis-Elvira, qui ne tarda pas à être supplantée par sa voisine, Grenade, de fondation plus récente et jusqu’alors peuplée surtout de Juifs.

Tous les historiens et géographes de l’Espagne musulmane ont loué avec emphase la beauté de Grenade et la fertilité de sa vega; celui qui exprime le plus sincèrement l’admiration provoquée aux Zīrides par sa vue, est son dernier amīr, ʿAbd Allāh, qui affirme dans ses Mémoires qu’ils «s’absorbèrent dans la contemplation de cette magnifique plaine, sillonnée de cours d’eau et couverte d’arbres. Ils admirèrent la montagne qui est maintenant la ville de Grenade et sa situation les séduisit ... et ils furent convaincus que si l’ennemi l’assiégeait, il ne pourrait empêcher d’y entrer et d’en sortir pour la ravitailler; c’est pourquoi ils entreprirent sa construction et chacun, qu’il fût andalou ou berbère, se mit à bâtir sa maison; alors Elvira fut ruinée ».

A l’époque romaine et dès le règne d’Auguste, apparaît le municipe d’Illiberis qui s’étendait au pied de la chaîne de ce nom et dans les environs duquel des vestiges archéologiques romains, chrétiens primitifs et arabes ont été découverts. Nous ne connaissons pas les détails de l’invasion des Barbares au Ve s. et les dévastations qu’elle causa dans la région d’Illiberis-Grenade dans laquelle Leovigildo pénétra plus tard par Baza à la tête d’une armée et pacifia toute la zone méridionale de la Péninsule. Quand les Musulmans l’envahirent, Mūṣā b. Nuṣayr laissa à son fils ʿAbd al-ʿAzīz le soin de pacifier l’Andalousie orientale et le Levante. Alors qu’il allait soumettre la principauté d’Orihuela-Murcie, il passa par Malaga et Elvira-Grenade, dont il s’empara. Abū l-Ḵh̲aṭṭār al-Ḥusām b. Ḍirār, nommé gouverneur en 125/743, établit dans le district Elvira-Grenade le d̲j̲und syrien de Damas, dont les s̲h̲ayk̲h̲s pro-umay- yades favorisèrent le débarquement de ʿAbd al-Raḥmān Ier. Sous le règne de lʾamīr ʿAbd Allāh, la kurā d’Elvira fut le théâtre de luttes sanglantes entre les muwallads fidèles au pouvoir central et les Arabes commandés par Sawwār b. Ḥamdūn. Assiégé dans le palais de l’Alhambra, ce dernier fit une sortie impétueuse et mit les Andalous en déroute à la bataille dite «de la ville» (waḳʿat al-madīna). Les vaincus se mirent au service d’Ibn Ḥafṣūn qui se rendit à Elvira et continua la lutte dans la vega du Genil, prenant et perdant Elvira à plusieurs reprises, jusqu’au jour où il la perdit définitivement sous ʿAbd al-Raḥmān III.

"G̲h̲arnāṭa." Encyclopédie de l’Islam. Comité de redaction: P. Bearman, Th. Bianquis, C.E. Bosworth, E. van Donzel, H.A.R. Gibb (Volume I: 1-320), W.P. Heinrichs, J.H. Kramers, G. Lecomte, E. Lévi-Provençal, B. Lewis, V.L. Ménage, Ch. Pellat, J. Schacht. Brill Online, 2013. Reference. SCD PARIS III SORBONNE NOUVELLE. 16 June 2013 <http://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/gharnata-COM_0230>